La publicité ment tout d'abord sur le produit ou le service qu'elle est chargée de promouvoir. La mission du publicitaire n'est nullement d'éclairer le choix du consommateur en lui donnant une information complète et objective. Il est payé pour promouvoir le produit quels qu'en soient la qualité et l'intérêt. Un yaourt dont on assure la publicité ne peut donc être mauvais sur le plan gustatif ou sanitaire : il est fatalement délicieux et bourré d'éléments nutritifs. Tant que les Organismes Génétiquement Modifiés ne sont pas vendeurs auprès du consommateur français, on peut attendre longtemps avant qu'un publicitaire nous dise : "Ce produit est le fruit d'une longue et patiente manipulation génétique" ou "C'est l'OGM que j'aime". En fait, sans aller jusqu'à un mensonge précis ou voyant qui le mettrait sous le coup de la loi, le publicitaire nous montre le produit promu sous un angle et une lumière soigneusement étudiés, sans se préoccuper d'une quelconque exactitude.
La publicité ment également sur les besoins réels des consommateurs. Pour vendre, il convient de faire apparaître l'achat comme incontournable. Telle eau minérale sera nécessaire à l'équilibre de l'organisme, la souscription à telle assurance fera partie des obligations du père de famille un tant soit peu conscient de ses devoirs familiaux, la magie de tel déodorant se révélera indispensable pour exercer un attrait sexuel. La publicité nous entraîne dans un tourbillon de besoins, de devoirs et de désirs : il s'agit de faire vivre le consommateur dans la conviction qu'il lui faut toujours davantage, qu'il n'a jamais suffisamment acheté. Car on ne vend jamais assez.
Enfin, la publicité ment sur les moyens des consommateurs. En effet les possibilités financières sont un obstacle, une limite à la consommation. Un produit cher peut sembler "trop cher". Qu'à cela ne tienne : cet abonnement télévisuel coûtera "seulement" 15 euros par mois (les trois premiers mois), cette voiture coûtera "moins de" 15 000 euros, une conversation via cet opérateur "ne coûtera que" 12 centimes la minute. Ne pas disposer de moyens financiers permettant de s'acheter des produits de luxe devient une anomalie, une étrangeté qui met en marge de la bonne société des consommateurs. Cette pernicieuse distorsion de l'échelle des grandeurs influence en profondeur les habitudes de gestion des particuliers. Les crédits, qui ne concernaient que l'achat de biens immobiliers, deviennent courants pour les achats moins importants, voire pour les courses quotidiennes. Tout à sa mission de promotion, la publicité est parvenue à nous convaincre que nous pouvons nous acheter ce qui n'est pas dans nos moyens.